Cameroun
La démolition 24 heures après son érection de l’oeuvre d’une artiste française demandant pardon aux Camerounais pour les méfaits de la colonisation fait l’objet d’un débat parmi les Camerounais.
Douala, mercredi 06 décembre. Une oeuvre d’art érigée à un Rond-point de Douala. Il s’agissait d’une photo sur près de trois mètres de haut de l’artiste française Sylvie Blocher, une femme blanche sexagénaire portant à bout de bras au-dessus de sa tête une pancarte de carton sur laquelle on peut lire en lettres majuscule et manuscrites: “Bien que je n’en ai pas le droit, je vous présente mes excuses”. Des mots pour faire amende honorable de l’enfer que la France a fait subir au peuple camerounais durant la colonisation.
Mais ce travail artistique loin de faire l’unanimité a suscité la colère de certains camerounais de la ville de Douala qui se sont rués sur l‘œuvre et l’ont fait tomber.
Au commencement, trois activistes, dont André Blaise Essama, connu localement pour ses actions contre les monuments montrant des personnalités françaises au Cameroun.
Sur une vidéo postée sur Facebook par la chaîne de télévision Équinoxe TV, émettant de Douala, on voit les trois hommes mettre à terre “l‘œuvre” en question, sous les applaudissements des badauds et curieux.
Un policier, présent sur les lieux, n’a pas réagi. Les militants à l’origine de cette action, M. Essama en tête connu pour ses actions “nationalistes” et pour sa volonté de réhabiliter la mémoire des “héros” camerounais, ont pu quitter les lieux sans encombre.
Cette installation “éphémère” avait été organisée dans le cadre du Salon urbain de Douala (sud), un festival d’art contemporain qui se tient en ce moment dans la capitale économique camerounaise.
Elle a été mise en place et inaugurée mercredi, avec l’accord des autorités locales, au carrefour Mobil Bonakouamouang, un rond-point très animé de Douala. “J’ai réalisé cette sculpture pour m’adresser directement à vous, et plus généralement à l’Histoire passée et présente du Cameroun”, a expliqué Mme Blocher sur une affiche justifiant son “happening”.
“Comme mon pays, la France, n’a jamais présenté d’excuse au peuple camerounais pour avoir commis des exactions et des crimes durant la colonisation, je vous présente, bien que je n’en ai pas le droit, des excuses”, selon l’artiste.
L’initiative a suscité d’immédiates réactions sur les réseaux sociaux, le plus souvent d’hostilité. “L‘érection de la statue d’une artiste française à Douala fâche”, titrait ainsi jeudi matin le site d’informations en ligne cameroon-info.net.
“Que les vrais héros camerounais soient sortis de l’oubli !”
Sur les lieux, “l‘œuvre” de Mme Blocher a laissé plutôt sceptiques badauds et passants, qui ont tous salué l’action des activistes camerounais, a constaté jeudi matin un vidéaste de l’AFP.
Dans la foule, les spectateurs déploraient qu’on érige œuvres et monuments d’artistes occidentaux, alors que les “vrais héros” historiques camerounais restent dans l’oubli ou peu célébrés, selon leurs commentaires.
Sur ce même carrefour, il y a un an, l’activiste Essama avait tenté en vain d’ériger une statue de John Ngu Foncha (ancien vice-président du Cameroun fédéral).
M. Essama est connu au Cameroun pour avoir notamment décapité à plusieurs reprises la tête du monument du général Leclerc, installée dans le quartier administratif de Douala.
Mercredi, ce même activiste a tenté de s’opposer à l’inauguration de la photo de Mme Blocher, et a été brièvement interpellé par la police, pour revenir finalement jeudi matin vandaliser l’installation.
“C’est du vandalisme”
Mais, si des centaines d’habitants de Douala ont accompagné Essama dans son initiative de démolition de l‘œuvre de Sylvie Blocher, il est loin de faire l’unanimité parmi ses compatriotes. Des Camerounais se sont, en effet, indignés de cette destruction. « Ce n’est pas un monument qui vante Sylvie Blocher. Ce n’est pas une initiative à la gloire du Blanc, mais un auto-portrait, c’est-à-dire une œuvre avec le corps de l’artiste qui l’a conçue. André Blaise Essama est dans son droit de revendiquer des monuments à la gloire de nos héros ; à ceux qui ont tant aimé ce pays qu’ils en ont payé de leur vie. Mais détruire une installation temporaire, c’est du vandalisme », déclare par exemple la journaliste culturelle Monique Ngo Mayang sur sa page Facebook.
Pour Ngo Mayang, l’artiste française s’offusque de ce que des « militaires résistants en France soient venus tuer des Noirs au Cameroun », alors que ces mêmes Noirs les ont aidés à combattre les Nazis pendant la deuxième guerre mondiale. « Sylvie Blocher n’en avait peut-être pas le droit ; étant donné qu’elle ne représente aucun pouvoir socio-politique français. Mais l’art a assez de droits pour dénoncer tout haut, les failles d’un système », conclut-elle.
Crédit photo : Equinoxe TV
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